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La coopération au sein du vivant

Publié le 22 Fév 2022

« L’importance de la coopération dans l’histoire du vivant est en soit une « leçon » », selon Jean-Baptiste ANDRE, chercheur au CNRS et spécialiste en biologie de l’évolution

Quelles sont les origines et les formes de coopération en biologie ?

Les organismes vivants sont le produit d’un mécanisme compétitif : la sélection naturelle. A priori on ne devrait donc observer en biologie que des organismes en lutte les uns contre les autres. Pourtant on y observe aussi beaucoup de coopération. Trois grands mécanismes permettent de résoudre ce paradoxe apparent.

Jean-Baptiste ANDRE, chercheur au CNRS et spécialiste en biologie de l’évolution

Un gène facteur d’altruisme peut conduire à aider des proches parents, parce qu’ils portent eux-mêmes ce gène, c’est le principe de la sélection de parentèle. Ce phénomène explique l’importance particulière des relations familiales dans le vivant (y-compris l’espèce Humaine), et notamment dans certaines espèces « eusociales » qui coopèrent intensément entre sœurs (fourmis, abeilles, etc.).

Par ailleurs, on néglige souvent le fait que les organismes vivants ont des intérêts communs les uns avec les autres, au moins autant que des intérêts opposés. Autrement dit, on peut s’entraider simplement parce qu’on est « tous dans le même bateau ». La coopération par intérêt commun est à l’origine de nombreuses symbioses. Par exemple, certaines espèces coopèrent entre elles parce qu’elles sont naturellement « complémentaires », se nourrissant des parasites portés par d’autres (poissons nettoyeurs), ou de leurs déchets (plantes-mycorhizes).

La coopération peut aussi être avantageuse si elle constitue un échange mutuel. C’est le principe de la ciprocité. On en trouve des exemples chez plusieurs espèces (impalas, chauve-souris vampires, etc.), et en particulier chez l’espèce humaine. Ce mécanisme a conduit à l’évolution d’une psychologie morale par laquelle nous établissons des contrats implicites les uns avec les autres. Cela explique que nous soyons parfois indignés moralement sans raison « rationnelle », parce que nous ressentons qu’un contrat implicite a été violé. Cela permet aussi aux échanges économiques de fonctionner malgré l’incomplétude des contrats légaux parce que nous les « complétons » par des contrats moraux.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de la nature en termes de coopération ?

L’importance de la coopération dans l’histoire du vivant est en soit une « leçon ». La socialité des fourmis par exemple avec sa division du travail entre reines, ouvrières, soldats, etc. a permis à ce groupe d’espèce de devenir l’un des plus abondants de tous les insectes. La coopération réciproque chez l’Homme a sans doute aussi joué un rôle déterminant dans notre capacité à survivre et à prospérer dans la quasi-totalité des écosystèmes. Plus fondamentalement, les premiers génomes se sont formés par association entre gènes complémentaires et les premiers organismes de grande taille par association entre cellules. La coopération, par les gains d’efficacité qu’elle permet, est donc à l’origine de toutes les grandes transitions de l’histoire de la vie.