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Interview de Brice Lalonde
Publié le 22 Fév 2022
« Solaal démontre que la générosité des agriculteurs français contribue aussi à la préservation des ressources naturelles », selon Brice LALONDE, Conseiller spécial du Pacte global des Nations Unies.
Brice Lalonde
En quoi l’accord conclu à Paris lors de la COP21 concerne-t-il la lutte contre le gaspillage alimentaire ?
Le changement climatique aura d’importantes conséquences sur l’agriculture et menacera la production alimentaire mondiale. Ce n’est pas le moment de gaspiller, bien au contraire, d’autant que la population mondiale augmente. L’accord de Paris touche autant la lutte contre le changement climatique que l’adaptation à celui-ci qui a commencé et qui est irréversible. Or l’agriculture est centrale dans l’adaptation parce que la température va l’affecter et que le cycle de l’eau sera perturbé. La question de l’irrigation et du gaspillage d’eau va devenir pressante. Il va falloir être efficient. D’un autre côté, l’agriculture et l’élevage peuvent contribuer au changement climatique par les méthodes utilisées (engrais azotés, lisiers, carburant des machines agricoles), les déboisements occasionnés (palmiers à huile), les productions choisies qui peuvent émettre des gaz à effet de serre (viande bovine). D’ailleurs l’obsession de la viande peut être considérée comme un gaspillage de protéines puisque une part des récoltes nourrit le bétail au lieu de nourrir les hommes. En France, les avants des bêtes sont peu consommés car les steaks ont détrôné les pot-au-feu. Nous avons donc quelques efforts à consentir collectivement. Mais on constate un mouvement pour l’agriculture de proximité, les circuits courts, la nourriture de saison. Autant d’initiatives qui réduisent les pertes. Gaspiller la nourriture est d’abord moralement répréhensible quand tant d’humains souffrent de la faim, c’est aussi pousser l’agriculture et l’élevage à augmenter leur production, donc risquer d’alourdir leur impact sur la nature, pour tenter de compenser le gaspillage. En outre, la nourriture abandonnée n’est pas seulement un scandale, elle fermente en dégageant du méthane qui participe au réchauffement.
Quels sont les acteurs à mobiliser pour lutter contre le gaspillage alimentaire ?
Le gaspillage prend des formes différentes dans les pays développés où il apparaît souvent en fin de chaîne, dans la distribution, la restauration et la consommation alors que dans les pays en développement une part des récoltes est perdue dès le départ par défaut de stockage et de conservation ou par manque d’accès aux marchés. Là-bas, c’est le manque d’infrastructure et l’absence d’énergie qui ne permettent pas d’avoir des silos et d’établir la chaîne du froid. Dans les pays développés, le pacte français contre le gaspillage alimentaire est un bon exemple de mobilisation. Il engage les agriculteurs, la restauration collective, la grande distribution, les établissements d’enseignement, les collectivités locale, les associations d’entraide. Il fait appel à la responsabilité sociale des entreprises et à l’appui de l’Etat. Il arrive que la réglementation favorise le gaspillage lorsqu’elle force à jeter la nourriture. Il me semble que les parents devraient enseigner aux enfants le respect de la nourriture. Il faut un temps où l’on ne jetait pas le pain.
A cet égard je ne peux qu’approuver les initiatives comme celles de votre association qui conjuguent la lutte contre le gaspillage à la solidarité envers les plus démunis. En donnant plus de 5 000 tonnes de produits agricoles, SOLAAL démontre que la générosité des agriculteurs français contribue aussi à la préservation des ressources naturelles.
Quelles sont les prochaines étapes après la COP 21 ?
Il faut maintenant mettre en œuvre l’accord de Paris. Il prévoit que les Etats fassent connaître leurs programmes d’actions sur le changement climatique et les améliorent tous les cinq ans. Il y a des COP tous les ans. La prochaine aura lieu en 2016 à Marrakech. Il reste bien des points à préciser. Mais au-delà des Conférences diplomatiques, c’est aux peuples du monde de prendre les choses en mains, aux territoires, aux professionnels, aux entreprises, aux collectivités, à tous nos concitoyens qui ne sont pas des consommateurs passifs, mais des acteurs de leur destin et du nôtre.