Interview de Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées

« SOLAAL a un impact territorial fort au niveau environnemental, social, économique et participe à la réduction des invendus agricoles et à l’amélioration des revenus des agriculteurs », selon Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.

Quelles sont les priorités de votre ministère en matière de solidarité et de précarité alimentaire ?

Lutter contre la précarité alimentaire est au centre de nos priorités, les crédits supplémentaires alloués en 2022 de 55 millions d’euros pour les associations de l’aide alimentaire en attestent.

Crédits photo: DICOM / JEANNE ACCORSINI / Sipa Press

Les travaux conduits en matière de la lutte contre la précarité alimentaire sont portés par le comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa) mis en place dans un contexte de fortes tensions sur l’aide alimentaire liées à la crise sanitaire en septembre 2020. Le Cocolupa est un lieu de réflexions et de discussions entre les parties prenantes qui réunit les administrations impliquées (solidarités, santé, agriculture, logement et ADEME), les réseaux associatifs porteurs de dispositifs d’aide alimentaire traditionnels (restos du cœur, banques alimentaires…) ou plus innovants (des épiceries sociales et solidaires aux coopératives d’achats, jardins solidaires, don agricole, etc.) les principales associations de collectivités (France Urbaine très impliquée),  les producteurs et distributeurs (Fédération commerce et distribution, association des industries agroalimentaires).

Le Cocolupa a pour vocation de :

• structurer durablement la coordination des acteurs vers des formes d’aides soucieuses de l’autonomie des personnes, de l’environnement et de la qualité de l’alimentation ;
• coordonner les acteurs de la lutte contre la précarité alimentaire ;
• contribuer à faire évoluer notre modèle français de lutte contre la précarité alimentaire vers des dispositifs plus préventifs, facilitant l’accès à une alimentation  favorable à la santé pour les personnes précaires, prenant en compte les impératifs de durabilité des modes de production et de consommation.

Comment envisagez-vous les modalités de mise en œuvre du chèque alimentaire ?

A la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat, et de l’engagement présidentiel relatif à la mise en place d’un chèque alimentaire durable, un rapport inter-inspections (IGAS IGF CGAAER) a expertisé la faisabilité et les conditions de mise en œuvre d’un dispositif de chèque dans un double objectif de répondre aux enjeux d’insécurité alimentaire et de durabilité des systèmes alimentaires.

La pertinence d’un déploiement d’un tel dispositif a été questionné au regard des objectifs attendus, extrêmement divers. Plusieurs limites ont cependant été pointées :

• effet de seuil et risque de trappe à pauvreté ;
• difficulté à cibler les produits de qualité et risque de fuite vers les importations ;
• risque de stigmatisation lié à une aide fléchée ;
• impossibilité de garantir un accompagnement vers leurs droits des personnes, ce que font aujourd’hui les associations d’aide alimentaire ;
• coûts de 1,5 milliard d’euros à 3 milliards en fonction de la cible retenue et coûts de gestion importants.

Comment situez-vous le rôle de SOLAAL dans la lutte contre la précarité alimentaire ?

La lutte contre la précarité alimentaire a pour objectif de permettre aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale de pouvoir accéder à une alimentation diversifiée et favorable à la santé. Elle poursuit également un objectif de durabilité et de justice sociale.

SOLAAL mène une action de facilitateur de dons de produits agricoles sur le territoire vers les associations d’aide alimentaire, majoritairement composés de fruits et de légumes frais. L’étude Abena (cf. comportements alimentaires et situations de pauvreté- SPF 2005) a montré que seuls 6,5 % des personnes ayant recours à l’aide alimentaire consommaient cinq fruits et légumes par jour et étaient plus fragiles face à des pathologies liées à un déséquilibre nutritionnel. En revanche, leur santé s’améliore dès qu’elles consomment davantage de fruits et légumes. En assurant la diversification des produits distribués aux bénéficiaires de l’aide alimentaire, qui ont peu accès à des produits agricoles frais et développent des pathologies en lien avec un déséquilibre nutritionnel, SOLAAL contribue à lutter contre la précarité alimentaire. Cette association a également un impact territorial fort au niveau environnemental, social, économique et participe à la réduction des invendus agricoles et à l’amélioration des revenus des agriculteurs.