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INTERVIEW

De la poubelle à l’assiette : contre le gaspillage alimentaire. Dix ans de lutte en France et aux Etats-Unis

Publié le 5 Sep 2023

Marie Mourad est connue des acteurs de la filière agroalimentaire depuis 2013, date du Premier Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire à l’initiative du ministre délégué à l’Agroalimentaire de l’époque Guillaume Garot. Aujourd’hui député, il a été précurseur de la loi dite « Garot » en 2016, qui a généralisé le don alimentaire et a inspiré les pouvoirs publics en Europe et aux Etats-Unis.

Auteure d’une thèse sur le gaspillage alimentaire en France et aux Etats-Unis, Marie Mourad a apporté son éclairage sur les dix dernières années de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans son ouvrage De la poubelle à l’assiette : contre le gaspillage alimentaire, publié aux éditions Le Harmattan en 2022.

Sans stigmatiser tel ou tel maillon de la filière agroalimentaire, Marie Mourad note la création d’un nouvel écosystème et d’une concurrence entre les initiatives anti-gaspillage. Elle alerte notamment sur le risque de marchandisation du don de produits. En effet, de nouveaux circuits marchands intermédiaires de don entre grandes surfaces et associations d’aide alimentaire se rétribuent en partie sur la défiscalisation de leurs clients (grandes surfaces) – donc de l’argent public indirectement – sans prendre toujours en compte la qualité des produits. Certaines associations d’aide alimentaire peuvent jeter jusqu’à 20% des dons reçus depuis la mise en œuvre de la loi Garot en 2016.

Par ailleurs, les ventes à prix cassés de produits proches de leur date de péremption peuvent avoir un effet pervers consistant à pousser au gaspillage au niveau des consommateurs, car les produits ont une moindre valeur, confirmant ainsi l’adage « on jette ce qui n’a pas de prix ».

Concernant les produits déclassés, Marie Mourad constate que les produits « moches » peuvent devenir un standard sur le marché classique, sans remettre en question les standards dominants tout en diminuant les dons aux associations. Ce phénomène s’est produit également aux États-Unis.

Les points positifs concernent notamment la mobilisation des collectivités locales qui, en France comme aux Etats-Unis, soutiennent financièrement les associations d’aide alimentaire.

Enfin, elle recommande d’encourager l’éducation sur la lutte contre le gaspillage alimentaire à tous les âges et en milieu professionnel comme en milieu scolaire, et se prononce pour une déconnexion du lien entre gaspillage alimentaire et dons, préférant un dispositif qui distribue de l’argent aux personnes en précarité alimentaire, pour qu’elles s’alimentent par elles-mêmes, plutôt que de faire reposer l’ « aide » des uns sur le gaspillage des autres.